"Nos enfants vivront mieux demain que nous ne vivons aujourd'hui"
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Alors c'est marrant, parce que je compte dans mon livre sur la catastrophe climatique consacrer un chapitre entier pour dire très exactement le contraire. Et ça vaut pour nos petits enfants et arrière-petits enfants (enfin, les vôtres, pour ceux qui en ont)
Je conseillerais bien au Président Directeur Général de la (f)Rance de lire notamment ce papier du philosophe Stephen M. Gardiner, "A Perfect Moral Storm. Climate Change, Intergenerational Ethics, and the Problem of Corruption", qu'il pourrait lire dans le volume Climate Ethics. Essential Readings. Edited by Stephen M. Gardiner, Simon Caney, Dale Jamieson, and Henry Shue (Oxfort 2010).
Il paraît qu'autrefois, dans une autre vie, le PDG avait croisé la route de Monsieur Ricoeur. Mais je crains qu'il s'en batte les couilles aujourd'hui, de la philosophie, de l'éthique, du climat et de pas mal de choses (excepté le portefeuille des actionnaires).
C'est dommage. C'est inspirant (je pose des extraits en PJ. Et je traduits une page ou deux en anglais, c'est cadeau monsieur le PDG.
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"Deuxièmement, une action insuffisante peut faire souffrir inutilement certaines générations. Supposons qu'à l'heure actuelle, le changement climatique affecte gravement les perspectives des générations A, B et C. Supposons ensuite que si la génération A refuse d'agir, l'effet se poursuivra plus longtemps et nuira aux générations D et E. L'inaction de la génération A peut alors s'aggraver de manière significative. En plus de ne pas aider les générations B et C (et probablement aussi d'augmenter l'ampleur des dommages qui leur sont infligés), la génération A nuit maintenant aux générations D et E, qui seraient autrement épargnées. D'un certain point de vue, cela pourrait être considéré comme particulièrement grave, puisqu'on pourrait dire que cela viole un principe moral fondamental : "Ne pas nuire".
Troisièmement, l'inaction de la génération A peut créer des situations où des choix tragiques doivent être faits. Une génération peut mal agir si elle met en place un ensemble de circonstances futures qui obligent moralement ses successeurs (et peut-être même elle-même) à faire souffrir d'autres générations, soit inutilement, soit plus qu'elles ne l'auraient fait autrement. Supposons, par exemple, que la génération A puisse et doive agir maintenant pour limiter le changement climatique de manière à ce que la génération D soit maintenue en dessous d'un certain seuil climatique crucial, mais que tout retard signifie qu'elle franchira ce seuil. Si le dépassement du seuil impose des coûts importants à la génération D, sa situation peut être si désastreuse qu'elle est obligée de prendre des mesures qui nuiront à la génération F - comme l'émission d'encore plus de gaz à effet de serre - qu'elle n'aurait pas eu besoin d'envisager autrement. Ce que je veux dire, c'est ceci :
Dans certaines circonstances, des actions qui nuisent à d'autres personnes innocentes peuvent être moralement autorisées pour des raisons de légitime défense, et de telles circonstances peuvent se présenter dans le cas du changement climatique. Par conséquent, l'affirmation est la suivante : s'il existe une exception de légitime défense à l'interdiction de nuire à des tiers innocents, l'une des façons dont la génération A peut se comporter mal est de créer une situation telle que la génération D est obligée de faire appel à l'exception de légitime défense et d'infliger ainsi des souffrances supplémentaires à la génération F. En outre, comme dans le cas du PIP de base, ce problème peut devenir itératif : peut-être que la génération F doit également faire appel à l'exception de légitime défense et infliger ainsi des dommages à la génération H, et ainsi de suite."
(Stephen M. Gardiner)